Les secousses commençaient à se faire ressentir. Au début, cela n'avait nullement perturbé Malik, ce n'était pas la première fois qu'il prenait l'avion. Non, sa première fois remontait à ses huit ans, où il était parti de Beyrouth, au Liban, pour emménager à Berlin (sa mère était libanaise, son père, allemand). Nouvelle secousse. Le jeune homme lança un regard à l'hôtesse de l'air qui passait entre les sièges. Elle tentait de rassurer les plus pessimistes. Malik soupira et laissa sa tête retomber sur le haut de son fauteuil avant de fermer les yeux. Il se demanda alors si San Francisco serait comme dans les films qu'il avait pu voir, avec le Golden Gate Bridge notamment. Il avait gagné, par le biais d'un jeu concours sur le dos d'une boîte de céréales, un voyage pour deux jusqu'à S.F.

Encore une secousse. Plus violente cette fois-ci. Malik ouvrit un œil et vit son jeune frère, assis à quelques sièges de lui, l'interroger du regard. L'aîné lui fit signe de se calmer avant de retourner à ses pensées.

Il n'avait pas eu le choix d'emmener son frangin. Aussi pénible et indiscipliné soit-il, il était sa seule famille. Il repensa à ce jour d'Avril, il y a trois ans, où ses parents décédèrent dans un accident de voiture. Le fautif, ivre au volant, bien qu'il soit passé devant la justice, n'avait pas été condamné. Cet événement était toujours douloureux, même si quelques années s'étaient écoulées.

Une nouvelle secousse, plus violente que les précédentes. Les gens étaient de plus en plus nerveux. Malik commençait aussi à douter. Il regarda alors une hôtesse passer en trombe à côté de lui, les traits inquiets. Puis, il eut encore plusieurs secousses, et bientôt, elles ne s'arrêtèrent plus. Les passagers criaient, bien que les hôtesses essayaient de les maintenir assis. Puis, une petite poignée de minutes plus tard, l'avion commença à piquer du nez, et, quelques secondes avant l'impact, Malik vit sa vie défiler devant lui : Beyrouth, Berlin, Londres ensuite, la mort de ses parents, son boulot de merde, son frère, le décollage du vol Dublin-San Francisco. Puis, le noir.

Quand Malik rouvrit les yeux, il vit d'abord les étoiles, puis la Lune. Les vagues roulaient doucement et ses doigts reconnurent au toucher le sable. Il avait goût métallique dans la bouche. Quand il passa sa langue sur ses lèvres sèches, il sentit une coupure. Il tenta de se redresser et sentit une douleur vive dans le flanc droit. Le sang ne s'écoulait plus de la belle plaie qu'il avait. Ça devait être superficiel. Il se releva péniblement, la tête en feu et lui tournant horriblement. Il vit à plusieurs mètres de lui le cadavre de l'avion et des gens, inertes, étendues sur le sol. Il jeta un coup d'œil vers le les terres. Plusieurs personnes (dont, à son grand soulagement, son frère) criaient, pleuraient et tentaient de sauver ceux qui pouvaient encore l'être. Malik ne mit pas longtemps à comprendre qu'ils étaient tous pris au piège.