« Tu vas où cette fois ? » Je souris, mordille un peu ma lèvre en regardant les noms des villes qui défilent sur le panneau électronique de l’aéroport. Un nom attire particulièrement mon attention. « San Francisco. » je réponds d’une voix douce. A l’autre bout du fil, j’entends ma sœur rire, et je prends conscience de la douleur que je ressens à ne pas l’avoir à mes côtés. « Tu t’éloignes tous les jours un peu plus. » Il n’y a pas de méchanceté ou de reproche dans ses paroles, mais un simple constat. « Je suis désolée. Tu sais que je t’aime, hein ? » « Bien sûr que je le sais. Allez file, ne sois pas en retard. Je pense à toi. » Je raccroche et range mon téléphone dans ma poche, avant de m’élancer parmi la foule de voyageurs qui vont aux quatre coins du monde. Je viens de passer six mois à Dublin, en Irlande, où j’ai rencontré des gens formidables. Mais il est temps de repartir parce que même si cet endroit est extraordinaire, il est loin de combler mes attentes. J’ai besoin d’une ville ensoleillée, cosmopolite, une ville qui bouge et qui surprenne jour après jour. Je ne supporte pas de rester enfermée dans mon quotidien vaseux, ce que je veux c’est de l’action. Hors je suis bien loin de me douter qu’après aujourd’hui, de l’action j’en aurai tous les jours. Je regarde le paysage défiler à travers le hublot. Bientôt, nous traversons les nuages et les dépassons, tant et si bien que je ne vois plus qu’une marée blanche cotonneuse. Rêveuse, je pense au parcours que j’ai eu et comment j’en suis arrivée là.

Tout a commencé il y a sept ans, en Afrique du sud. Je suis née là-bas, ainée d’une fratrie de quatre enfants, quatre filles. Je suis issue d’une famille très modeste et ma mère n’a jamais vraiment apprécié que je pense à moi et à mon avenir avant de m’occuper de mes sœurs. Elle répétait sans cesse que je devais être là pour elles, que j’étais une égoïste et qu’elle n’avait pas à gérer la famille toute seule. Pendant des années, j’ai entendu ça. Mais moi, je n’arrivais pas à comprendre comment ma propre mère pouvait me parler ainsi, alors qu’elle aurait dû être fière que sa fille ait d’excellents résultats à l’école et se batte pour réussir dans la vie. Un grand avenir m’attendait dans le journalisme. Ce qui me passionnait, c’était la mode. Mais elle, elle me disait : « C’est superficiel, sans intérêt. » Alors un jour, j’ai craqué. C’était mon dix-huitième anniversaire, et j’avais difficilement encaissé la dispute de la veille. J’ai refusé de souffler les bougies, refusé les cadeaux, j’ai fait face à toute ma famille et je leur ai annoncé que je m’en allais. Ma mère a éclaté de rire et m’a dit que je n’avais nulle part où aller, tandis que mes sœurs ont fondu en larmes. Mais je suis vraiment partie, et ça fait sept ans que je ne suis pas retournée chez moi. Je suis devenue rédactrice pour un magazine de mode, pour lequel je travaille par ordinateur. Cela me permet de voyager dans le monde entier, mon rêve de petite fille. De l’Afrique du sud, je suis partie en Thaïlande. Ensuite, j’ai fait la Chine et le Japon, et je suis partie en Europe. En France, j’ai commencé à écrire des articles pour la rubrique sexo, ce qui a encore amélioré mes conditions de vie, et ce qui m’a beaucoup amusé. Durant ces six derniers mois à Dublin, j’ai rencontré un homme qui a partagé ma vie. Ce matin, je suis partie sans le réveiller, en déposant une rose sur mon oreiller. Il me disait que je lui faisais penser à une fleur, à la fois piquante et fragile. C’était le symbole de notre relation, passionnée mais fragile. Je ne suis pas malheureuse, c’est une autre vie qui m’attend à San Francisco.

J’ai déjà vécu des turbulences en avion, mais jamais comme celle-là. Le personnel tente de nous rassurer, mais je vois bien qu’ils sont aussi paniqués que les voyageurs. A côté de moi, une jeune femme qui doit avoir mon âge tente de garder son sang-froid mais ses ongles se plantent dans mon avant-bras et je grimace de douleur. Les questions fusent, les cris aussi. Ici et là, des bébés pleurent et les mamans supplient que ça s’arrête. C’est la panique la plus totale, et je doute très largement qu’on arrive à bon port. L’avion perd peu à peu de la hauteur, et, en respirant l’oxygène, je ferme les yeux pour ne pas voir arriver ce qui nous attend : la mort. C’est étrange de se dire qu’on va mourir, et qu’on ne peut rien faire pour s’en sortir. Qu’on la voit arriver, mais qu’on ne peut pas la combattre. L’être humain est faible et misérable face à sa propre existence. J’aurais aimé dire encore à mes sœurs que je les aime et qu’elles sont la plus belle chose qui me soit arrivé, et j’aurais aimé dire à ma mère de ne pas m’en vouloir d’avoir fait mes propres choix. Dire à mon père que je lui en suis très reconnaissante de m’avoir permis de prendre mon envol, même si aujourd’hui j’atterris à jamais. L’avion percute le sol de plein fouet et c’est le trou noir. Quand j’ouvre de nouveau les yeux, c’est un décor post-apocalyptique qui s’étend devant moi. L’avion est comme un animal blessé qui souffre, des flammes le dévorent et il y a du sang partout. Prise de nausée, je ne peux m’empêcher de déverser mon dégout pour la situation sur le siège d’à côté, où la fille qui était assise à côté de moi a disparu. Je la cherche des yeux, mais je ne reconnais personne dans l’enchevêtrement de cadavres. Quelques plaintes douloureuses se détachent de l’ensemble des morts, mais je n’ai pas la force d’aider ceux qui en ont besoin. Ma voisine apparaît et me regarde avec des yeux ronds et un sourire qui semble soulagé. « Ah, tu es réveillée ! Je suis allée chercher de l’eau pour enlever le sang que tu as sur toi. Quand j’ai vu que tu respirais toujours, je me suis dit que … » Je souris et la laisse frotter la plaie sur mon front. Ça brûle, ça pique, j’ai envie de crier. Mais je serre les dents : Je suis en vie.

Epuisée, je reste sagement sur mon siège et l’observe s’occuper des autres en silence. Cette femme est magnifique, la plus belle qui m’ait été donné de voir. Pas seulement en apparence, je veux dire que c’est quelqu’un de bien. Jamais au cours de ma vie je n’ai eu l’occasion de voir une personne aussi bonne envers les autres. Elle aide ceux qui peuvent encore être sauvés, les rassure et les relève en trouvant les bons mots. Ses mots guérissent leurs maux. Malgré moi, je souris en l’écoutant raconter à une petite fille d’une dizaine d’années l’histoire de Robinson Crusoe qui a dû vivre sur une île déserte comme celle sur laquelle on se trouve. Emerveillée, la petite sautille et sort de l’avion. « Je suis infirmière, le contact aux autres ça me connait. » dit-elle en rougissant un peu, humble. Elle me soutient par le bras et nous quittons l’avion toutes les deux, elle commence à fatiguer. Dehors, il y a plus de monde que ce que je n’aurais pensé. Quelle chance incroyable que tant de monde ait survécu au crash ! Nous nous laissons tomber dans le sable, mains liées. Je ne connais pas cette fille, je ne connais même pas son nom, pourtant en cet instant il n’y a plus qu’elle pour moi. J’ai tellement peur de lâcher sa main ! Elle pose sa tête sur mon épaule et ensemble on observe le sinistre spectacle qui se déroule sous nos yeux, bercées par les cris et les pleurs des autres passagers. « Ca va aller. » je murmure, et elle hoche la tête. « Ca va aller. » elle répète en resserrant son étreinte autour de mes doigts.

« Maman me racontait toujours une histoire avant que je m’endorme ! » se plaint la petite, et je soupire. Je n’aime pas m’occuper des gosses, mais je n’ai pas le choix. Elle a besoin de moi, puisque sa mère n’est plus là pour elle. Je réfléchis un instant et demande : « Tu veux que je te raconte mon voyage au Japon ? Celui-là m’a beaucoup marqué. » Elle esquisse un grand sourire et acquiesce. Mon amie aux cheveux d’or s’assied à nos côtés, elle aussi veut écouter. « Je suis arrivée au printemps. A cette époque-là, les cerisiers sont en fleur. Des pétales rose clair volent partout, et les amoureux s’embrassent sous les arbres en guise d’amour éternel. » Elle m’interrompt, des étoiles dans les yeux. « Et toi, tu as embrassé quelqu’un sous un arbre ? » Je rigole un peu et secoue la tête. « Malheureusement non. J’ai donc passé une journée à Tokyo, et puis je suis partie à la campagne. Là-bas, j’ai rencontré des gens extraordinaires qui m’ont logée. Ils portaient des kimonos et m’ont appris à servir le thé. Ils m’ont offert un kimono, j’ai appris l’anglais aux enfants … Un jour, je suis allée au temple avec eux. Il y avait presque mille marches pour y arriver, et j’ai eu peur pour les personnages âgées. Mais en fait, j’étais plus fatiguée qu’eux en haut … » Toutes deux rigolent, et l’on passe la soirée à se raconter des souvenirs qui nous ont marqué. Depuis qu’on est sur l’île, on s’occupe comme on peut. Nous avons construit des logements de fortune, apprenons à nous connaître et nous entraider. C’est sans doute la chose la plus horrible qui nous soit arrivée … Mais également l’épreuve la plus excitante de toute notre vie.

Hello you ! Mon prénom c'est Justine mais sur internet on me connait sous le pseudo Alaska. J'ai actuellement 18 ans et je viens de passer mon bac (a) L'année prochaine je suivrai des études de cinéma et d'arts numériques à Montpellier et j'ai carrément hâte (a) Sinon j'ai découvert le forum grâce à un top-site et je le trouve splendide et le contexte très sympa. Excellent boulot donc ! Je serai présente minimum quatre jours par semaine parce que je bosse et que c'est chaud. Sinon, j'aimerais vous dire que je veux des liens avec tout le monde, héhé !

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