Je suis né dans la somptueuse banlieue d’Édimbourg, là ou la médiocrité n'est plus une crainte mais une réalité. Je ne m'en souviens plus très bien, mais parfois, je le rêve, cet immeuble délabré, mon premier foyer. Là où la drogue est omniprésente au même titre que la police. Un lieu maudit des faits divers, de la page nécrologique. Mais j'étais âgé de six ans, l'environnement m'était familier, douillet. Je ne voyais pas l'horreur, le sang n'étant rien de plus à mes yeux qu'une maussade peinture rouge, à la rigueur sinistre. Une vie de faux-semblants pour moi et mes parents, un couple peu soudé mais aimant. Ils se disputaient souvent, bien trop à mon goût mais ils n'étaient pas mauvais, ils me laissaient seulement à mon stupide chagrin. Je les reliais à ma façon, sans le vouloir, sans le prévoir. Mais la mort relie elle aussi d'une certaine manière et ainsi, à l'aube de mes sept ans, j'allais perdre père et mère. Le soleil s'était levé haut dans le ciel dès l'aurore, les oiseaux chantaient près de ma fenêtre. Pressurisé au fin fond d'un pyjama deux fois trop grand je m'étais tourné vers ces bras rassurants et protecteurs. Morphée lui-même. J'allais quitter cette terre, cette ville, cette vie dans le deuil et la douleur. Attendant le soleil sur le porche, le visage rouge de larmes et vide d'espoir. Je n'étais pas un battant, j'étais seulement un gosse emplit de désillusions, ce que je suis par définition, toujours. Les cambrioleurs étaient restés discrets, silencieux. Mon père semblait dormir sur son fauteuil, le visage pâle, la respiration absente. Ma mère avait été moins chanceuse, sa robe de chambre était maculée de ce même rouge sinistre. J'avais crié, évitant de regarder cette scène, les lambeaux de mon enfance. J'avais perdu mes parents, j'étais seul, seul dans cette ville crasseuse, vestige oublié d'une industrie dorée. Un appartement vide et une existence brisée.

Je rêvais de New-York, de Tokyo, de Sidney, de m'envoler loin de cette complaisance polie et hypocrite. Et pourtant j'étais bloqué là, à Belfast, auprès de cet oncle dont j'avais ignoré jusqu'au prénom. L'homme n'était pas nuisible, seulement, il parlait peu. Lars était de ces types froids et distants, de ceux qui jamais ne flanchent. Et pour preuve, il était venu à l'enterrement le visage impassible, antipathique, désagréable. Je l'ai détesté durant des mois avant de ni plus ni moins l'ignorer. Il ne méritait pas de subir mes excès de colère, ni lui ni aucun autre. J'allais devoir avancer par moi-même, découvrir la vie sans repère, me jeter dans la gueule du loup sans demeurer continuellement désolé.

(the world is ours.)