« Vous ne la trouvez pas un peu calme pour une enfant de son âge ? » C'est vrai que tu était très calme, vraiment beaucoup. Peut-être même un peu trop. Tes parents ne s'étaient jamais inquiétez eux. Tu étais une enfant sage, sans caprices, qui ne pleurait pas pour un rien contrairement à la grande majorité. Il faut dire aussi qu'il étaient fiers d'avoir une enfant calme et non turbulente. Après tout, cela voulait dire que leur éducation réussissait à merveille. « Bien sûr, elle se mêle volontiers aux autres enfants là n'est pas le problème. C'est que.. Elle s'efface, c'est comme si elle voulait paraitre invisible parfois » Ils tournent la tête vers toi pour te regarder dessiner tranquillement dans ton coin sans prêter la moindre attention à ce qu'ils peuvent bien dire sur toi. Après tout, toi et toi seule sait qui tu es vraiment. Personne n'a à te juger sur ce qu'ils voient eux. Ce n'est pas une majorité après tout, seulement une partie de ta vie. Tu n'es qu'une enfant et pourtant tu es bien mature dans ta tête. « Pas tout le monde ne peut être sur le devant de la scène après tout. » Sur ce ils viennent vers toi sans un mot et sans un regard, mais tu sais que tu dois te lever et les suivre. Tu prends ton petit cahier de dessins que tu serres très fort contre toi en avançant rapidement dans les couloirs où résonne le bruit de tes petites chaussures vernies. Un faible courant d'air venant d'une classe à la porte ouverte, suffit pour que la jupe de ta robe bleue se relève un peu. « Viens vite Danae nous allons être en retard ! Et lisse un peu ta jupe s'il te plait » Tu passes rapidement tes mains pour enlever les plies et prend la main que te tends ta mère. « Dis maman, je dois vraiment y aller ? » Tu as une toute petite voix qui exprime ta peur. Tu n'aimes pas l'endroit où tu dois te rendre, il te terrifie. Il est blanc, extrêmement blanc. Sans vie, sans joie, sans rien. Juste des gens malades. « Fais-le pour eux Danae, pense que ça leur fera plaisir de te voir » Tu baisses la tête et continue d'avancer vers la voiture. Tu ne diras pas un mot de tout le trajet, tu ne feras que regarder par la vitre le paysage new-yorkais qui défilait devant tes yeux bleus de petite fille.


« Dany tu sais ce que feront nos parents s'ils l'apprennent ?! » Tu sautes par-dessus le grillage du parc avoisinant ton immeuble. Les chaînes de tes bottes en cuir se cognent entre elles pour reproduire de petits clics que tu ignores. « Shhh, il n'y a aucune raison » Tu marches tranquillement dans le parc, normalement personne ne s'y trouve à cette heure du soir. Après tout il est si bien sécurisé en temps normal. Étant donné qu'il est privé. Ça t'arrive souvent ces temps-ci de sortir de chez toi le soir alors qu'on te croit tranquillement endormie. Depuis la mort de tes grands-parents il y a trois ans de cela, tes yeux se sont ouverts au monde. Tu t'es plus ouverte aux autres, tu restes moins dans ton coin. Tu es toujours une adolescente sage dans un sens malgré tout. Tu ne peux t'empêcher de faire ta miss-je-sais-tout quand tu en as l'occasion. Les études tu restes de marbre devant, ni chaud ni froid. Tu sais que c'est un devoir très important pour ta vie future, tu t'y appliques donc. « Dany ça ne me rassure pas du tout de passer par là ! » Tu l'écoutes à peine, tu es habituée de fréquenter les endroits sombres de la ville. Tu ne bois pas, tu ne te drogues pas, mais tu sais comment t'infiltrer. Avec ton maquillage foncé, tes vêtements et ta façon de jouer la comédie. Tu es arrivée à te faire des contactes dans cette zone, ils ne te servent à rien pour le moment mais peut-être qu'un jour tu en auras besoin. Tu surveilles tes arrières au cas où, tu l'as toujours fait même si ce n'était pas les bons choix. « Allez, viens ! » Tu lui prends la main et vous avancez dans la noirceur de la nuit. Tu ne regardes pas en arrière.


« Ca fait combien de temps maintenant ? » Allongée tu ne fais que regarder le plafond depuis une heure déjà. Les bruits des gouttes qui tombent du robinet t'insupporte de plus en plus, mais tu ne dis rien, on t'as élevé pour être une jeune fille sage. Sauf que voilà tu ne l'as pas été. « Trois mois.. » Tu as fait de nombreuses choses, tu es fière de certaines comme l'obtention de ton diplôme en littérature. Tu t'es battu pour l'avoir, travaillant sans relâche. Tu es fière de ça et d'avoir eu ton propre appartement. De ne plus dépendre de tes parents et d'être responsable. Et il y en a d'autres.. « Et que faites-vous depuis ? » Maintenant ce sont les tick de l'horloge ajoutés aux gouttes qui t'énerve. Tu tournes ton regard vers le building, d'ici tu arrives à voir l'Empire State. Il te semble soudain très intéressant, beaucoup plus que cette conversation que tu tiens de force. Ce sont tes parents qui t'y ont amené, tu peux les sentir t'attendre dans les couloirs pour être sûrs que tu ne feras rien d'inconscient encore une fois. « J'ai.. J'ai recommencé à travailler à la bibliothèque. Quand on dit que se noyer sous le travail pour oublier ses peines est un bon remède.. » Voilà un an que tu étais dans cette bibliothèque, un travail que tu affectionnais de part ton amour pour les livres. Mais tu ne pensais pas rester là-bas indéfiniment, tu voyais plus grand et tu en avais surtout besoin. Pas seulement pour toi, si tu avais été seule tu aurais pu continuer à vivre dans ce petit studio sans problème. Mais tu ne pouvais tout simplement plus. « Cela marche, donc ? Comment vous sentez vous sincèrement ? Nous sommes ici pour parler entre nous, rien ne sera dévoilé » Tick, flop, tick, flop, tu en as marre, tu n'en peux plus. Tu sens que tu vas craquer, après tout tu en as tous les droits. Tu sers le petit nounours dans tes mains de plus en plus fort et renifle le tissu. Tu entortilles la peluche en te mordant les lèvres si fort. Tu trouves le goût de ton sang horrible, tu n'as jamais aimé en voir et ce n'est pas maintenant que ça changera. Un tick et flop de trop et tu te relèves en lançant la peluche à travers la pièce. Tu pleures, tu te recroquevilles sur toi-même en larmes et tu hurles. « ÉVIDEMMENT QUE CA NE MARCHE PAS ! TROIS MOIS, TROIS PUTAIN DE MOIS ! Comment vous pensez que je puisse me sentir ? Je n'en peux plus, rendez-le moi j'en ai besoin ! Rendez-le moi ! » La porte s'ouvre et deux hommes viennent te maitriser, ils viennent t'empêcher de détruire le cabinet comme tu l'avais fait avec ta chambre d'hôpital. Tu hurles, tu frappes, tu griffes et tu pleures. Ta vie s'est effondrée ce jour où tu l'as perdu. On te l'a arraché des bras alors que tu voulais l'aider à respirer, tu l'aimais tellement même s'il était tout bleu. On te l'a enlevé et tu ne l'as plus jamais revu, personne ne t'en a parlé. On te disait instable, on t'avait enfermé dans une pièce toute blanche, ces mêmes pièces que tu craignais étant enfant. On t'avait laissé là, seule avec toi-même. Une jeune fille de vingt ans seulement. Seule une femme venait de temps en temps. Elle te donnait à manger, et tu lançais l'assiette contre un mur. Un jour tu l'as mordu quand elle a essayé de te planter une aiguille pour te calmer. Ils t'avaient laissé croupir là pour trois mois, ça faisait une semaine seulement que tu étais sortie pour reprendre une vie normale, tu avais retrouvé l'esprit qu'ils disaient. Un rendez-vous chez le psychologue et tu aurais pu continuer ta vie. Seulement voilà, tu n'es plus là même, ils t'ont enlevé une partie de toi que tu ne récupéreras jamais. Et maintenant que tu le faisais comprendre ils ne trouvaient rien de mieux que t'enfermer encore une fois. Te laisser seule à nouveau.



Tu t'assoies sur ta valise pour essayer de la fermer. Tu donnes des coups et tu râles, tu as beaucoup trop de choses dedans, mais tu t'entêtes à les garder dans une seule valise. Pourquoi en avoir deux, ça prendrait plus de place. « Dany, ton avion pars à quelle heure ? » Avec un dernier effort tu réussis à tout fermer avec un sourire victorieux et une petite danse pour montrer au voisinage que tu es heureuse. « Dans.. Environ deux heures. Mes affaires sont prêtes, je pars de l'hôtel dans cinq minutes » Tu vas la poser à l'entrée de ta chambre et retourne cherche tes dernières affaires. Tu as vingt-trois ans maintenant, tes plaies avaient cicatrisées avec le temps. Tu avais recommencé une vie tranquille, tu étais devenue une nouvelle femme. Tu aimais rire, sortir avec tes amis, voyager quand tu pouvais. Là justement, tu étais partis à Dublin pendant deux semaines profiter de la ville. Seule évidemment, tu étais partie en exploratrice des temps modernes. « Le rate pas surtout Dany, le prochain arrive trop tard et l'hôtel ne veut pas garder sa réservation trop longtemps. Ces californiens vraiment » Tu souris rangeant ton livre dans ton sac. Tu l'avais emprunté dans la bibliothèque où tu travailles, ce n'était pas bien tu en avais conscience, mais tu allais le rendre immédiatement après ton arrivée à New-York. « Arrête de faire la tête, je dois y aller maintenant. On se retrouve là-bas okay » Tu raccroches et tu sors fermant la porte. La voiture te conduisant à l'aéroport t'attends déjà. Tout se passera bien.


Tu ne sens plus tes jambes, petit à petit tu ne peux plus bouger. Tu sens tout ce poids sur toi, tu as mal mais tu n'arrives pas à parler pour le dire. Tu ne te souviens pas de ce qu'il s'est passé, il ne te reste que des morceaux..

Vous étiez tous dans cet avion, bien tranquillement chacun voguait à ses occupations. Tu lisais ton bouquin bien confortable sur ton siège. Et d'un coup tout bouge autour, les gens ont peur, les enfants pleurent. Tu revois les valises tomber, l'avion descendre trop vite. Tu hurles, un grand flash blanc et plus rien.

Tes yeux s'ouvrent avec difficulté, ton visage est enfouies dans du sable chaud. Avec beaucoup d'effort tu dégages tes bras pour essayer de t'accrocher quelque part et te sortir de là. Tu arrives à attraper quelque chose, tu fermes les yeux ne voulant pas savoir ce que c'est et tu tires, tu gémis de douleur sentant le sang se répandre petit à petit le long de tes jambes à nouveau. Tu n'en peux plus, tu as du mal à respirer et tu lâches tout. Ta tête tourne de plus en plus vite, les hurlements des gens autour de toi te donne envie de leur hurler dessus pour qu'ils se taisent, Qu'ils la ferme pitié tu n'en peux plus. Les larmes coulent le long de tes joues. Une femme à côté de toi semble encore en vie, par réflexe tu tends une main vers elle pour serrer la sienne. Elle était dans un siège près du tien durant le vol. Elle semblait heureuse. Elle est toute pâle maintenant, beaucoup plus que la normal. Ses lèvres tournent au bleu violet, bleu bleu bleu son visage devient bleu. Il est bleu, il est bleu et tu veux le réanimer. Tu dois le réanimer c'est ton devoir entant que mère de l'aider à respirer. « Pourquoi tu es tout bleu.. S'il te plaît, respire.. Respire pitié.. » Tu lâches sa main, elle ne glisse pas, mais quelqu'un vient de la sortir des décombres. Tu ne vois plus rien, tes yeux sont noyés sous tes larmes. Bleu, tu es tout bleu, pourquoi tu étais tout bleu. C'est ma faute, j'aurais dû faire mon devoir. C'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma faute.. Tu sombres dans la folie à nouveau, une folie pourtant distincte de l'ancienne. Et tu t'évanouis.