Les jours sur l'île passaient doucement. Les nuits étaient courtes. Les journées étaient longues. On s'occupait autant que l'on pouvait, mais les heures ne défilaient toujours pas assez vite. Les jours se répétaient, se lever, chercher de la nourriture, de l'eau, préparer de quoi manger, s'occuper les uns des autres... En tombant ici je m'attendais à un minimum d'aventure. J'avais l'impression d'être en vacances, la seule différence étant que je devais me débrouiller toute seule. Moi qui rêvais sans cesse d'aventures plus folles les unes que les autres, je n'étais pas servie. Depuis toute petite je voulais m'enfuir pour voir autre chose, m'amuser, avoir peur et vivre des choses extraordinaires, à chaque fois je reculais, par peur certainement ou alors simplement parce que dans le fond j'étais raisonnable. Je devais voir ce crash comme une chance. La chance de vivre enfin ce que je voulais. Comme ci on m'en offrait l'opportunité. Sauf que je ne faisais rien d'autre que jouer la gentille petite fille sage qui aide. Que faire d'autre ?

Je m'étais liée d'amitié avec certaines personnes ici, j'avais trouvé des gens avec qui délirer, d'autres avec qui simplement parler. Nous étions là depuis quatorze jours, le temps d'apprendre à se connaitre. Il faisait encore une fois très chaud. Je me baladais tranquillement, tournant en rond plutôt. Mes yeux se posèrent sur ce petit garçon, âgé de six ans ou sept peut-être. Je n'étais jamais douée pour ça, retrouver l'âge des gens. Il avait pour habitude de rester avec deux autres femmes ou parfois même Allistair. Je ne lui avais jamais réellement parlé, juste échangé quelques mots. Sait-on jamais que je lui ferai peur. Si j'arrivais vers lui comme ça, il allait me prendre pour une folle et je l'effrayerai certainement. Si j'y allais avec quelque chose peut-être qu'il ne se sauverai pas en courant. J'aimais beaucoup les enfants, mais je n'étais pas douée avec eux. Je ne connaissais jamais les réactions qu'ils pouvaient avoir, m'imaginant tout et souvent n'importe quoi. Me rendant là où je dormais, je farfouillais dans les quelques affaires que j'avais pour en sortir une vieille peluche, ce pauvre vieux lapin en peluche avait été bien amoché avec le crash. J'ignorai à qui il appartenait, personne ne l'ayant réclamé. Je l'avais trouvé le jour même du crash, trainant dans les débris. Je l'avais alors ramassé pour je ne sais quelle raison et je ne le quittais plus. Pire qu'une enfant. Sauf que peut-être qu'il plairait au jeune garçon ? D'ailleurs à cet âge, on aimait encore les peluches ? Je l'ignorais totalement. Je verrai bien de toute façon. Sortant de là avec le lapin à la main, j'espérai qu'il soit toujours là, afin de ne pas le chercher partout. Avançant dans le sable, il était toujours là, assis, à regarder l'océan je crois. M'approchant de lui, j'allais m'asseoir à ses côtés. Lui tendant la peluche, je ne savais pas trop quoi lui dire. « Tiens, c'est pour toi. » Il n'était pas encore parti en courant donc ça allait. « J'm'appelle Judith.  » peut-être qu'il connaissait déjà mon prénom, il avait peut-être déjà entendu quelqu'un m'appeler puisqu'il restait avec certaines personnes à qui je parlais, mais je ne m'étais jamais présenté directement, donc je le faisais. « & toi ? »

Abandonné, voilà le mot qui me vient à l’esprit chaque matin quand je me réveille. Souvent la nuit, je revois mes parents, ils sont là avec moi, on rigole, on se promène …. Mais à mon réveil, je suis sur cette île, je revois alors le crash et je n’arrive pas à enlever l’image de maman couché sur le sable comme endormit, sauf qu’elle ne s’est jamais réveillé. Je me sentais abandonné, seul au monde mais surtout complètement perdu, je ne connaissais personne ici, et je n’aimais pas ça. La nuit il y avait des bêtes partout, je dormais souvent très peu, la nourriture était toujours la même et les journées passaient sans que personne ne viennent nous chercher. Et si on restait coincé là pour toujours ?
Après mon réveil j’étais allé me mettre comme à mon habitude devant l’océan, j’avais ramené un petit bout de bois pour m’en faire un siège et je restais assis là à regarder l’horizon, en priant pour voir un bateau, ou un avion, quelque chose qui me dise que le cauchemar était fini. Mais il n’y avait rien, personne, jamais …
Une larme coula alors sur ma joue, un mélange d’émotion surement, je l’enlevais rapidement et ravalais quelques sanglots au passage … Puis quelqu’un vint s’asseoir à côté de moi. Je tournais la tête d’abord surpris et vis une femme qui me tendait un nounours. Je relevais les yeux.

« Il est pas à moi. » Répondis-je simplement.

Je ne savais pas bien si c’était un cadeau ou si elle cherchait juste le propriétaire de la peluche mais ce n’était pas le mien en tout cas.
Je me remis à scruter la surface de l’eau quand elle se présenta. Je ne savais pas bien quoi faire. Mes parents m’avaient toujours interdit de parler à des étrangers, mais maintenant qu’ils n’étaient plus là et que nous étions tous coincé ensemble sur l’île, j’étais bien obligé de communiquer avec eux, en tout cas un minimum pour manger ou quand j’ai besoin d’aide. Mais je m’étais restreint à quelques personnes, des têtes habituelles et cette femme, cette Judith n’en faisait pas partis. Elle me demanda alors mon prénom. Je ne savais pas bien quoi faire, lui répondre ou partir. Elle ne semblait pas bien méchante et puis de toute façon même si elle était méchante, je ne pourrais pas me cacher ici … Je décidais alors de lui répondre.

« Conan. »

Je n’avais pas enlevé mon regard de l’eau, j’avais répondu un peu timidement. Des tonnes de questions me venaient en tête mais je ne savais pas si j’aurais un jour des réponses. Et puis sans trop m’en rendre compte, je lui demandais.

« Tu crois qu’on va venir nous chercher ? Que quelqu’un nous cherche ? »

C’était ma façon d’être depuis qu’on était là. Avant j’allais vers tout le monde en souriant. J’avais un peu perdu ma bonne humeur maintenant, j’avais constamment un air fermé, je ne le faisais pas exprès j’étais juste perdu et triste.

Ce petit garçon devait se sentir extrêment seul. Perdre ses parents dans ces conditions étaient certainement la pire chose qu'il puisse lui arriver. Certains se plaignaient d'avoir perdu leur petite vie, d'avoir raté la chance de leur vie en tombant sur cette île, lui avait tout perdu. Il avait perdu les personnes qu'il devait aimer le plus au monde. Même si un jour nous sortions d'ici, il aurait du mal à s'en remettre. Si on retrouverait tous les personnes qu'on aime, lui non, il les avait à tout jamais perdu sur cette maudite île. Bref, m'asseyant à ses côtés après avoir retrouvé une vieille peluche que j'avais gardé après le crash, je lui tendais afin qu'il la prenne. Si ça pouvait ne serait-ce qu'atténuer sa peine pour quelques minutes. Mais une peluche ne pouvait pas avoir cet effet, ce n'était rien par rapport à sa perte. « Ce n'est rien, prend-le, je te le donne. » Peu importe qu'il était à lui ou non, je n'avais pas besoin de cette peluche, lui peut-être un peu plus.

Je me présentais, j'essayais de faire qu'il se sente mieux avec moi, qu'il n'ait pas peur de moi. Il ne  devait pas rester tout seul, il devait s'amuser et oublier. C'était un enfant, tout ça devait être affreusement compliquée et difficile pour lui. Il semblait hésiter et ne pas vouloir me répondre. Pourtant après un petit instant, il me donna son prénom. Je souriais, puis lui tendant la main, comme faisait les grandes personnes, j'ajoutais : « enchanté Conan. ».

Il réfléchissait, il pensait. Je ne le dérangeais pas, nous n'avions pas besoin de parler, je restais à ses côtés pour lui montrer simplement qu'il pouvait compter sur moi. Il venait alors à me poser une question pour le moins difficile. Allait-on venir nous chercher ? Pour être franche, je ne pensais pas, on nous croyait certainement mort, et c'était fichu pour nous, on mourrait sur cette île à moins d'un miracle, mais je ne pouvais pas dire ce genre de chose à un petit garçon qui essayait certainement de garder un peu d'espoir. « Oui. Il faut juste être patient. N'y penses pas trop et un jour tu verras des secours arriver. » Je mentais bien, je devais bien mentir, pour lui. « En attendant, pourquoi ne pas profiter d'être sur cette île ? Tu sais, si tu penses que c'est une mauvaise chose, ce sera une mauvaise chose. Par contre, si tu vois ça comme une bonne chose, ça le deviendra. Tu ne vivras pas ça deux fois dans ta vie. Il y a un tas de choses à faire, à découvrir. Je sais bien que c'est difficile, mais essaye de voir le bon côté des choses, tu te sentiras peut-être mieux. » J'étais peut-être maladroite dans mes mots, peut-être que tout cela était déplacé, mais je voulais lui faire voir qu'il y avait des bonnes choses dans tout ça, qu'il devait penser à bien, qu'il devait essayer de s'en sortir.